1839-1862, innovations, expositions et productions | Biographie
Biographie • 1817a • 1817b • 1831 • 1833-1836 • 1839-1862 • Chronologie
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1839, première « grande exposition industrielle » pour le facteur Montal
• Moins d’une année après la naissance de sa première fille, Pauline (7 octobre 1838), Montal affronte son premier défi de facteur de piano lors de la 9e Exposition des produits de l’industrie française 1, organisée sur les Champs-Elysées du 1er mai au 29 juin. Elle recevra 3 281 exposants et distribuera 2 305 récompenses !
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Analyse : « Les pianos de Montal jugés aux Expositions Nationales et Universelles », Dr Malou Haine, édition commémorative, 2015.
En bref, il y présente trois pianos, sous le numéro de catalogue 360 2 :
[…] un piano à queue à bascule et à table renversée 3, un piano droit à cordes obliques, et un pianino à cordes verticales ont été préparés pour l’exposition, mais ils n’ont pu y figurer que l’un après l’autre, vu l’exiguïté de l’emplacement accordé à Montal […]
Le piano à queue à sept octaves est construit dans les conditions les plus favorables pour la sonorité et la propagation du son. L’expérience prouve que lorsqu’un corps mince, comme une table d’harmonie, est interposé entre les cordes vibrantes et l’oreille de l’auditeur, le son prend beaucoup plus de volume. On remarque généralement ce résultat à l’occasion d’un piano droit quand le public est en face de l’exécutant, c’est-à-dire quand le piano est entendu par derrière ; le piano, retourné, fait entendre le son dans sa plénitude. M. Montal a dû spéculer sur l’emploi de ces conditions harmoniques. A cet effet, il a construit son piano à queue tout à l’opposé des pianos à queue ordinaires. La table d’harmonie, les cordes et la mécanique se trouvent placées dessous l’instrument. Par cette disposition le marteau pousse la corde sur le sillet et contre la table d’harmonie, lance le son de bas en haut par l’intermédiaire de la table d’harmonie, qui se trouve en contact avec la colonne d’air supérieure, et par là l’exécution obtient une qualité de son meilleure, plus forte, se propageant avec plus d’extension. De la sorte il obtient les avantages des pianos à frappemens en dessus, sans avoir l’inconvénient de leur mécanisme, plus sujet à se déranger que dans les pianos ordinaires ; ici le marteau retombant par son propre poids au lieu d’être relevé par un ressort. M. Montal dans son système d’échappement évite les frottements par la suspension du ressort et l’interposition de petites roulettes ou cylindres entre les points de contact ; l’échappement agit ainsi sur lui-même, le jeu du clavier devient plus facile […]
Panorama de l’industrie française publiée par une société d’artistes et d’industriels 4• Dans la Revue et Gazette musical de Paris, du 1er août 1839, l’élogieux compte-rendu de G.-E. Anders sur l’ensemble des travaux de Montal s’achève sur de « sincères encouragements ».
Montal n’obtiendra pourtant ni médaille, ni mention au Rapport du Jury central – Exposition des produits de l’industrie française de 1839 5 rédigé par Savart.• A cette date, l’atelier de Montal, rue et passage Dauphine, occupe treize à quinze ouvriers. Le nombre des pianos, sortis de cet atelier 6 depuis 1833, s’élève à 172.
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1839-1841, sur la deuxième édition de « l’Art d’accorder soi-même son piano… »
• Chargé par la Société 7 d’Encouragement pour l’industrie Nationale d’apprécier la nouvelle édition de 1838, le rapporteur Francœur, membre de l’Institut, présente en mai les conclusions de sa lecture :
[…] Faire un volume de 252 pages in-8 accompagné de 8 planches gravées, pour enseigner une chose qu’il suffit d’expliquer en quelques pages de partition, doit sembler un grand abus de la prolixité du style; c’est du moins l’idée que j’avais du livre de M. Montal avant de l’ouvrir. Mais cette opinion a bientôt cédé à l’examen que j’en ai fait; j’ai reconnu mon erreur en voyant qu’elle ne provenait que du titre qui promet très-peu de chose, tandis que le livre a un objet bien plus étendu.
Ce n’est pas seulement l’art d’accorder le piano que M. Montal expose; il donne une multitude de documents qui se rapportent à cet instrument, et font de son ouvrage un traité complet de sa construction. […] En outre, il présente un véritable traité d’acoustique appliquée à l’usage des instruments de musique, et une histoire complète du piano, des moyens d’en réparer les dérangements, d’emballer l’instrument, d’apprécier ses défauts et ses qualités, de remettre les cordes tassées, etc. Enfin, ce livre ne laisse rien à désirer sur ce sujet, et voilà comment l’art d’accorder le piano a fourni à l’auteur la matière d’un volume, sans qu’on regrette aucun des développements dans lesquels il est entré. […] C’est le titre seul qui est trop modeste. […] Je pense donc que ce livre est digne d’estime et mérite le succès qu’il a déjà obtenu. […] En séance, le 27 mars 1839.
Bulletin de la Société d’Encouragement, mai 1839, p.147• On pouvait lire aussi dans le « Panorama de l’industrie française, publié par une société d’artistes et d’industriels, sous la direction de M. Al. Lucas 8»
[…] Par les études en musique, en mathématiques, en mécanique et en physique, M. Montal, alors qu’il était professeur à l’Institution des jeunes aveugles, s’est vu conduit à faire des recherches sur le tempérament des instrument à sons fixes, tels que l’orgue , le piano, etc. , etc. , dans l’espoir de concilier la pratique avec la théorie ; tous les savants, depuis Mersenne, s’étaient occupés de cette question, mais en physiciens seulement, n’étant pas accordeurs. Ceux-ci se déclaraient pour le tempérament inégal, on ne décidait rien et ces dissertations savantes ne jetaient aucune lumière sur la pratique. Les accordeurs n’avaient pas les connaissances suffisantes et spéciales pour lire avec profit ces théories et s’en tenaient souvent à des traditions dont les principes s’entredétruisaient mutuellement, et cela dans la même partition ou opération de l’accord. M. Montal a tranché la question jusqu’à ce jour indécise, en publiant, sous le titre de l’Art d’accorder soi-même son piano, un ouvrage dans lequel la pratique se trouve enfin unie à la théorie ; il a même rendu fort accessible aux amateurs, à la condition de quelques études pratiques, l’accord du piano, considéré jusqu’à ce jour comme un enseignement impraticable. […]
• A son tour, chargé par la Société 9 Libre des Beaux-Arts, le rapporteur Émile Bienaimé 10 juge l’ouvrage de la plus grande utilité, non seulement pour les amateurs qui habitent la campagne une partie de l’année, mais aussi pour les artistes eux-mêmes. Le rapport conclut en ces termes :
[…] Messieurs, l’ouvrage de M. Montal nous paraît excellent, […] c’est le fruit des expériences personnelles de l’auteur qui nous paraît avoir rendu un véritable service à la science en présentant d’une manière simple, claire et rationnelle, dans son chapitre sur la Partition et l’Accord, ce qui jusqu’à présent était resté si vague et si incomplet.
Nous vous proposons donc, messieurs, d’accorder à M. Montal vos honorables suffrages, et de lui délivrer extrait du présent rapport pour lui servir au besoin.
Annales de la Société Libres de Beaux-Arts, Tome X, 1841, p. 290 à 304.
1842, dépôt d’un « Brevet11 d’invention et de perfectionnement », le 5 février
• Il sera délivré le 7 mai 1842 et aura pour titre « Différents systèmes de mécaniques propres à faire répéter la note à toutes les hauteurs de la touche, au moyen d’un levier dit receveur ». Extraits :
[…] Depuis l’introduction de l’échappement dans le mécanisme du piano, les pianistes se sont toujours plaints de ne pouvoir reproduire un son fort ou faible, qu’en frappant plus ou moins fort et en laissant relever entièrement la touche jusqu’au niveau des autres touches du clavier; d’ou résultait une grande difficulté dans la répétition des notes, la cadence, et l’expression dans l’exécution; c’est pour remédier à ces inconvénients et donner aux artistes la faculté de produire un son plus ou moins fort, suivant le degré de hauteur auquel on laisse relever la touche, que j’ai imaginé un moyen simple et certain, lequel est applicable au mécanisme à échappement de tous les pianos, droits, verticaux, carrés, et à queue…
Le moyen consiste dans une petite pièce mobile, soutenue par un ressort que je nommerai « receveur d’échappement ».Cas sur le piano droit : […] si on fait jouer la touche de tout son enfoncement, l’échappement E quittera le nez N, effectuera toute sa course et arrivera sur le receveur R qui s’abaissera au moyen du pilot PP, levé à propos par la touche; alors l’échappement échappera en descendant de dessus le nez, le marteau aura effectué sa course entière et le coup, que je représenterai dans ce cas par, 1, aura été dans toute sa force.[…] Si maintenant on laisse relever la touche d’une certaine quantité, par exemple du quart de son enfoncement, le pilote PP s’abaissera proportionnellement à la touche, laissera relever le receveur R par le moyen du ressort R’ qui pèse dessus, l’échappement E sera relevé par le receveur et rentrera sur le nez N du quart de sa course; il sera soutenu par le receveur, qui est un peu en pente; si on refrappe la touche, le marteau sera lancé de nouveau et le coup n’aura que le quart de la force du premier représenté par 1. Par conséquence, si on laisse relever la touche de la moitié de son enfoncement, l’échappement, aidé par le receveur, rentrera sur le nez de la moitié de la course, et la touche, refrappée donnera au coup de marteau une force qui ne sera que la moitié de celui représenté par 1; le marteau aura effectué cette fois la moitié de sa course; on conçoit donc que la force donné par le doigt a la touche imprimera au coup de marteau une force proportionnelle au degré auquel on la laissera relever.[…], C. Montal.
Le 12 mai 1842 naîtra sa seconde fille Marie Clémentine, qu’on appelera plus tard Clémentine.
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1844, deuxième « grande exposition industrielle » pour le facteur Montal
• La 10e édition de l’Exposition de l’industrie réalisée à Paris durera 60 jours, du 1er mai au 29 juin. Ce grand palais nouvellement construit sur les Champs-Élysées reçoit 3 960 exposants et distribuera 3253 récompenses.
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Analyse : « Les pianos de Montal jugés aux Expositions Nationales et Universelles », Dr Malou Haine, édition commémorative, 2015.
En bref, le rapport du Jury central de l’Exposition sur les produits de l’industrie nationale de 1844 mentionne 12 Montal :
[…] A exposé des pianos de tous genres, parmi lesquels un piano droit à cordes obliques s’est trouvé placé au cinquième rang, et un piano 13 droit à cordes verticales au treizième rang. Ce facteur distingué confectionne chaque année quatre-vingt-dix pianos. Le jury décerne une médaille de bronze à M. Montal. […]
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1845, « Facteur de l’Institution royale des Aveugles »
• Après l’exposition de 1844, Montal communique sur son art de facteur de pianos par le biais d’une « notice raisonnée 14 ». Elle combine deux pages de présentations techniques et deux pages de musique, une composition originale pour voix et piano. On y apprend les améliorations et perfectionnements que ses ateliers apportent aux pianos, principalement les droits qui semblent le mieux se commercialiser 15 et sur lesquels Montal travaillera beaucoup. A la fin de la notice, en plus petits caractères, l’auteur note :
[…] Au moment où cette notice va titre publiée, M. Montal vient de recevoir un nouveau témoignage d’intérêt de l’autorité supérieure. M. le Ministre de l’intérieur vient de lui conférer le titre de Facteur de l’Institution royale des Aveugles. La fourniture des pianos dans cet établissement a été obtenue par un concours dans lequel les noms des facteurs étaient celés et inconnus aux juges. M. Montal est heureux d’offrir ici au Directeur et aux Administrateurs de l’Institution l’hommage de sa reconnaissance pour la satisfaction qu’ils lui ont témoignée sur l’issue du concours et la réussite qui a couronné ses efforts…
Journal des Débats Politiques et Littéraires, Octobre 1845, Gallica/BNF.
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1846, dépôt d’un « Brevet16 d’invention et de perfectionnement », le 26 février
• Il sera délivré le 5 juin 1846 et aura pour titre « Perfectionnements dans la fabrication des pianos, ayant pour objet de leur donner la faculté de transposer ». Extraits :
[…] Les moyens que j’emploie consistent à faire mouvoir le clavier en l’isolant de la mécanique de manière qu’on ne court pas risque de briser ou déranger celle-ci.[…] Le châssis du clavier est adapté sur le plateau par des taquets, Planche 1, A (fig.1) ou des plaques métalliques A’ (fig.2) (qui représente une portion de châssis) ou des languettes et rainures A’’ (fig.3) qui représente une autre portion du châssis ou enfin des mortaises pratiquées dans les traverses et des vis introduites dans le plateau du clavier à travers les mortaises A’’’ (fig.4) (qui représente encore une portion de châssis).
De telle sorte qu’il puisse glisser de droite à gauche ou de gauche à droite suivant que l’on veut baisser ou hausser le piano. De manière que pour baisser d’un demi ton on recule le clavier de treize à quatorze millimètres environ, c’est-à-dire de la largeur d’une touche ; pour deux demi ton de deux largeurs de touche ; pour trois demi ton de trois largeurs de touche et ainsi de suite jusqu’à douze demi tons si l’on veut… Il résulte de ce procédé que la touche dans la position naturelle produise Ut vient de mettre par le déplacement au dessous du marteau voisin Si, la touche du Si sous le Si bémol, et ainsi de suite pour le reste du clavier.
[…] Le clavier est mis en jeu pour transposer en descendant ou en montant par un levier C (fig.1) et C’ (fig.6) (armé sur le devant d’un bouton) situé sous le plateau et en communication avec le té B.
[…] Pour déterminer la marche exacte du clavier en descendant ou en montant pour chaque demi ton, il y a sur la masse de gauche un bouton G qui fait mouvoir une pièce à coulisse H au dessous de cette masse (fig.1) adaptée contre le coté du plateau. Cette pièce H porte une autre pièce I dont l’extrémité est à crémaillère, laquelle vient correspondre en face d’une autre crémaillère pratiquée dans le coté du clavier ou rapportée dessus.
[…] Ces crémaillères ont pour objet de venir s’arc-bouter l’une contre l’autre pour déterminer la marche précise du clavier lorsqu’on le pousse sur la gauche et de manière à ce que les touches viennent se placer juste dans les échappements et marteaux.
[…] Le milieu du bouton G porte une marque qui étant placée en face de la baguette K empêche le clavier de se déplacer. Si on pousse le bouton G de manière à ce que la marque soit en face de la baguette L les deux crémaillères ne seront plus arc-boutées et on pourra alors reculer le clavier de la largeur d’une touche ou d’un demi-ton. Si on pousse le même bouton G de manière à ce que la marque se trouve en face de la baguette M une dent de la crémaillère J sera dégagée et on pourra transposer le clavier de deux demi-tons, et ainsi de suite pour un plus grand nombre […], C. Montal.
• A la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale, le rapport de M. Kerris – Membre du comité des Arts mécaniques – présente plusieurs considérations du facteur Montal sur les « Mécanismes nouveaux dans la manufacture des pianos » relatifs aux pianos droits à un mode de transposition.
En décembre 1846, la Société décerne à Montal une médaille de platine pour « ses perfectionnements ».
Procès verbal du 20 janvier 1847 de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale 17.
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• A l’Académie de l’Industrie, le rapport de M. La Hausse (professeur de musique, ancien accordeur et Membre du Conseil d’Administration) présente plus largement « l’Ensemble des travaux de la manufacture de pianos de M. Montal » :
[…] Il est nécessaire que vous compreniez tout d’abord en lui d’un homme dont la position et les talents tendent évidemment à faire un personnage historique […] Ses efforts ont tendu à perfectionner réellement toutes les parties du piano, établi avec soin, précision, un grand fini d’exécution ; qu’on y trouve toutes les améliorations dont les plus habiles facteurs font usage, indépendamment de celles qu’il ne doit qu’à ses propres investigations ; qu’il a enrichi ses pianos des formes les plus gracieuses et les plus élégantes ; enfin, que ses instruments présentent aux acheteurs une garantie non équivoque, car elle repose à la fois sur l’amour de l’art, qui a porté M. Montal à sacrifier souvent ses propres intérêts, et sur les connaissances théoriques et pratiques que sont loin de posséder comme lui, aveugle ! la plupart des voyants constructeurs de pianos[…]
Le 17 décembre 1846, l’Académie de l’Industrie décerne à M. Montal une médaille d’honneur en argent pour « ses pianos ».
Journal des travaux de l’Académie de l’industrie française, 1847, Vol. XVI, 16ème année, p. 132 et 133.
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• A la Société Libre des Beaux-Arts, le rapport de M. Delaire présente plusieurs considérations sur les « mécanismes nouveaux dans la manufacture des pianos de M. Montal » relativement aux pianos droits et à un mode de transposition.
Le 4 mai 1847, la Société lui décerne une médaille d’argent (maximum des récompenses) pour « les améliorations notables qu’il a apportées aux pianos droits ».
Annales de la Société Libre des Beaux-Arts, 1846, p. 3.
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• A la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale, M. Kerris (Membre du comité des Arts mécaniques), rapporteur, présente plusieurs considérations « Sur un système de pianos droits à contre-tirage rectiligne » et sur quelques améliorations de détail :
[…] Quelques mots pour indiquer l’influence que le système de M. Montal est appelé à exercer, au profit de l’industrie nationale, sur les pianos destinés à l’exportation, notamment pour les deux Amériques. Jusqu’à présent les pianos français, malgré la préférence qu’ils méritent, et qu’on leur accorde, sous le rapport de la qualité du son et des soins apportés aux détails de leur construction intérieure, n’ont pas toujours soutenu convenablement à l’étranger, surtout dans les pays méridionaux, la concurrence des pianos anglais, parce que ceux-ci bardés de fer, sont regardés comme plus solides, moins sujets aux déformations causées par les alternatives de la chaleur et de l’humidité et mieux entendus pour la tenue de l’accord […] Vu l’importance des perfectionnements introduits par M. Montal dans la facture des pianos droits à l’effet de prolonger de beaucoup la durée de l’accord, d’augmenter la sonorité des basses et de remédier au tassement des tables d’harmonie, le Comité des Arts mécaniques lui décerne le 21 juillet 1847 la médaille d’or.
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• Suite de la communiquation donnée par le rapporteur Taskin 18 pendant l’assemblée générale, l’Athénée des Arts
[…] décerne sa médaille d’argent (maximum des récompenses que cette société accorde) en reconnaissance des travaux, auxquels il (Montal) s’est livré depuis plus de douze ans, ayant pour résultat d’apporter aux pianos des perfectionnements notables, tant sous le rapport de la solidité de la construction que sous celui de la qualité de son ; que la sonorité dans les pianos de M. Montal est très supérieure à celle des pianos droits ou carrés des autres facteurs ; que le nouveau système de transposition est entièrement de l’invention de M. Montal […]
Procès verbal de l’Assemblée générale de l’Athénée des Arts, du 23 aout 1847 19.
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• Le 14 octobre 1847, à l’Académie de l’Industrie Agricole, Manufacturière et Commerciale, le rapporteur, M. Sainte-Fare Bontemps 20 (Secrétaire du comité) présente l’ensemble des travaux menés par M. Montal dans la facture des pianos droits et souligne particulièrement son « Système de Contre-tirage » pour lequel l’Académie décernera, dans sa séance du 2 février 1848, une médaille d’or.
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• La crise économique qui sévit en France depuis 1846-1847 apporte son lot de tragédies : de nombreuses entreprises font faillite, les ouvriers sont licenciés (60% dans le secteur du meuble), les artisans sont sans travail, les prix agricoles flambent, une crise bancaire s’installe, le cours excessif des céréales provoque des disettes, la mortalité augmente, les révoltes se multiplient dans le monde rural…
En 1848, « la vente des produits de luxe, tel que le piano, est tout à fait nulle 21 » un collectif de facteurs d’instruments de musique, représenté principalement par MM. Pleyel et Pape, sollicite en mars un prêt de 600.000 francs, garanti par un dépôt de marchandises, auprès du gouvernement afin de sauver le secteur de la lutherie… Le Ministre de l’Industrie et du Commerce répondra défavorablement le 22 avril, en précisant « le gouvernement ne fait pas d’avance directe aux industriels ».
La conséquence directe sera la multiplication des sociétés de secours mutuel 22.
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1848, dépôt d’un « Brevet23 d’invention de 15 ans », le 18 janvier
• Il sera délivré le 5 avril 1848 et aura pour titre « Diverses améliorations introduites dans les pianos à queue, pianos carrés, pianos droits, à cordes verticales, à cordes obliques et demi-obliques ». Parmi ces perfectionnements, le nouveau système dénommé « Contre-tirage » apporte l’avantage de stabiliser mécaniquement la structure harmonique du piano et donc rendre les opérations d’accordage moins fréquentes. La structure 24 devient également moins sujette aux variations de température et d’humidité. Extraits :
[…] Ordinairement les pianos à queue sont consolidés par des pattes et des barres en fer ; ces barres qui règnent au dessus des cordes ou entre certaines nottes (sic) obligent à faire des intervalles dans la mécanique qui gênent la construction, et, de plus, poussées par le bout par le tirage des cordes se cintrent souvent vers le milieu. On est obligé de mettre de distance en distances des tuteurs en fer pour les maintenir. J’ai appliqué à la construction de ce piano un système de contre-tirage dans lequel des tringles de fer droites i sont tirées par le bout dans le sens de leur longueur au lieu d’être poussées, et ont, par conséquent, beaucoup plus de force. Elles sont placées chacune derrière et en face d’une pièce de bois j et à une certain distance. Elles traversent les sommiers et sont armées à leurs extrémités d’empattements ou d’écrous pour les raccourcir à volonté et vers le milieu d’un écrou k, à pas contraire, se vissant ou se dévissant à la fois dans les deux moitiés des tringles i. […] Au dessous de la pièce de bois j se trouve la table d’harmonie, puis au dessous de la table, des cordes qui sont accrochées à un sommier prolongé m en fer, armé de pattes recourbées n, lesquelles sont traversées par des tringles servant de contre-tirage, de manière que, si le tirage des cordes fait fléchir les barres de bois j ou arcs-boutants, formant résistance dans le corps de l’instrument, on peut, en serrant les écrous susmentionnés, situés aux extrémités des tringles ou au milieu, ramener ces pièces de bois de manière à les redresser et même la table si elle avait souffert de l’affaissement du corps de l’instrument. Ainsi cette table se trouvant entre deux forces dont l’une maintient l’autre, se ressent moins de l’influence du tirage des cordes que dans les constructions connues, avantage immense pour la durée de l’accord et de la conservation de la table d’harmonie […], C. Montal
• On peut lire dans le journal dominical « La France Musicale », daté du 5 mars 1848 :
[…] M. Montal, qui est maintenant placé au premier rang parmi nos plus habiles facteurs de piano, vient d’obtenir un nouveau et bien légitime succès. L’Académie de l’Industrie, au jugement de laquelle il avait soumis ses pianos droits, a trouvé dignes de la plus haute récompense les inventions et les perfectionnements qui y sont appliqués, et elle lui a décerné la médaille d’or dans sa dernière séance générale. Le nouveau système, dit à contre-tirage rectiligne, a surtout fixé l’attention, parce qu’il a été considéré à juste titre comme ayant un avenir certain et comme destiné à compléter le piano droit et à le faire accepter, non pas seulement comme le plus commode, mais encore comme renfermant toutes les qualités du piano carré et même du piano à queue. La réputation de M Montal, basée sur l’appréciation des juges les plus éclairés, grandit tous les jours, et sept médailles d’or, de platine et d’argent, sont désormais des garanties que le public rencontrerait difficilement ailleurs, puisqu’un tel succès est jusqu’ici sans exemple […]
Jacques Bonnaure, professeur de lettres
Thierry Géroux, directeur de la commémoration nationale « Claude Montal, VIP-2015 »
Avec la collaboration de Fred Sturm, professeur, accordeur de pianos, cf. http://www.artoftuning.com
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1. Manifestation publique organisée à Paris de 1798 à 1849 afin d’offrir un panorama des productions des diverses branches de l’industrie, Wikipédia.
2. Exposition nationale de Paris en 1839, Dr Malou Haine, 2015, Édition commémorative « Claude Montal, VIP-2015 ».
Tableaux des expositions de 1798 à 1900, Dr Malou Haine, 2008, IREMUS/CNRS.
3. Plan de la table renversée, détails du brevet (à venir).
4. Panorama de l’industrie française publiée par une société d’artistes et d’industriels, sous la direction de M. AL. Lucas, Chez Caillet, Éditeur à Paris, 1839.
Les pianos de Montal jugés aux Expositions Industrielles et Universelles, Dr Malou Haine, Édition commémorative « Claude Montal, VIP-2015 ».
5. Rapport du jury central, CNUM.
6. Revue et Gazette musicale de Paris, du 1er août 1839, p.273, Google Books.
7. Bulletin de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale, 38e année, janvier 1839, n°415-426, p.147, CNUM.
8. Source Gallica/BNF.
9. Annale de la Société Libre des Beaux-Arts, Tome X, années 1840-41, p.290, Gallica/BNF.
10. Compositeur de musique.
11. Base de brevets 19e siècle – INPI, cote 1BA9883, pas de numéro de dépôt entre 1791 et 1844.
12. Rapport du jury central […], Imprimerie de Fain et Thunot, 1844, Tome 2, p. 543 et 544.
13. Ce piano droit est illustré sur la « Notice raisonnée de 1844 » et appartient aujourd’hui à la Collection de l’Atelier d’Euterpe sous le n°10/474. Il fera l’objet d’une remise en jeu complète à partir de 2017.
14. Notice raisonnée sur les améliorations et perfectionnements introduits dans la fabrication des pianos par M. Montal…
15. Annales de la Société libre des beaux-arts, 1847, p. 26 : […] Depuis quelques années l’étude du piano s’est répandue dans toutes les classes de la société ; il est peu de familles, même parmi les moins fortunées, chez lesquelles on ne rencontre un piano. Ce qui a beaucoup contribué à populariser cet instrument est l’invention des pianos droits, dont les dimensions restreintes s’accordent avec l’exiguïté de nos appartements modernes. Cependant, la faiblesse de leur son ne permet de les employer agréablement que pour accompagner le chant. […], Gallica/BNF.
16. Base de brevets 19e siècle – INPI, cote 1BB3127, n° dépôt 3127.
17. Annuaire de 1852.
18. Henri-Joseph Taskin. Pianiste-compositeur, né à Versailles en 1779, élève de sa mère pour le piano, et de sa tante, Mme Couperin, pour la composition. Cet artiste a fait graver Seize œuvres pour piano et un grand nombre de Romances. Il a en portefeuille beaucoup d’autres ouvrages qu’il se propose de publier. M. Taskin, membre de l’Athénée des arts et de la Société académique des enfants d’Apollon, est professeur de piano et de composition.
Dictionnaire des artistes de l’école française au XIXème siècle de Charles Gabet, 1834.
19. Procès verbal de l’Assemblée générale de l’Athénée des Arts, du 23 aout 1847.
20. Claude Montal, Sa vie et ses travaux…, Firmin et Didot, 1857, p.46.
21. Constat adressé au Ministre de l’industrie : « MM. Pleyel, Pape, délégués des fabricans de pianos, demandent un prêt » (dossier à venir).
22. Parmi celle-ci, l’Association de secours mutuel du Baron Taylor crée celle des inventeurs et artistes industriels en 1849 puis celle des membres de l’enseignement en 1859.
23. Base de brevets 19e siècle – INPI, cote 1BB7070 n° dépôt 7070.
24. « L’effet de prolonger de beaucoup la durée de l’accord, d’augmenter la sonorité des basses et de remédier au tassement des tables d’harmonie…», Comité des Arts mécaniques de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale, 1847.